Bienvenue sur ce blog dédié à la souffrance au travail, créé par Gérard Delmas. N'hésitez pas à laisser ou proposer vos commentaires, réactions ou réflexions.

31 mars 2011

Souffrance au travail. Stressez stressez, il en restera peut être quelque chose

         Les salariés composent avec ces pressions diverses et variées tout en se demandant si tout cela est bien normal. Est- ce normal de venir au travail la peur au ventre en ce demandant ce que le N+1 ou 2 va encore pouvoir inventer pour générer ce fameux stress. Ces pressions s'inscrivent dans le  le processus de travail et peuvent porter  sur des éléments secondaires aux yeux des acteurs de terrain mais qui prennent une valeur tout à fait surdimensionnée. Ces pressions, qui deviennent rapidement des ordres, apparaissent rapidement comme étant injustifiées ou surévaluées. Leur justification apparaît alors comme arbitraire, de cet arbitraire qui se transforme en loi intangible ou plus exactement en des normes de travail qui font figure de nécessité. L'ordre du processus de travail s'instaure et se distille jusque dans les recoins les plus insignifiants. Il s'agit bien là d'un ordre arbitraire dont le manquement est sévèrement  dramatisé. Ces injonctions sont le plus souvent le résultat de peurs en cascade et obéissent à des postures supposées être requises par toute la chaîne hiérarchique d'une organisation.

       Dès lors le salarié est fondé à développer une certaine méfiance,  défiance et  résistance tout à la fois. Ce processus d'intériorisation des interdits (...de faire comme il le semble souhaitable au salarié afin de remplir au mieux sa mission) modifie totalement son rapport aux autres et à lui même.

       L'autonomie disparaît et est remplacée par l'attente des ordres qui est un processus fortement régressif. Cette position est difficilement compensée sauf à se trouver des "niches" ou le contrôle ne pourra momentanément se faire. La hiérarchie ne peut pas tout contrôler et les positions de repli sont directement proportionnelles à l'omniprésence institutionnelle. L'expertise ou "l'accroissement des compétences" n'ont aucun effet sur l'autonomie puisque l'utilité n'est reconnue que par rapport à un état antérieur qu'on appelle le socle de compétence

        En supposant qu'un salarié puisse échapper à ces pressions il n'en restera pas moins que l'organisation et ses rouages hiérarchiques pourront encore porter leurs marques non plus sur les processus de travail mais sur les postures . Le maintien, le type de relations implicitement préconisées, les comportements censés éclairer des attitudes sont autant d'éléments qui vont augurer d'un certain type d'aptitudes conformes ou non à l'idéologie dominante.... et si le salarié n'est pas totalement soumis il restera à interroger voire à critiquer ses pensées ou son mode de vie.

       Lorsque les pressions organisationnelles deviennent trop fortes  et que les compensations sont inopérantes l'individu se trouve dans une situation paradoxale. L'action sera critiquée comme l'inaction. Cette impasse  conduira à une résignation causée par l'inhibition de l'action et l'individu va alors somatiser ce conflit et développer  les pathologies classiques dans ce type de situation.
Les actes déclenchant et les réponses somatiques portent le même nom un peu flou de "stress" qui ne rend pas tout à fait compte de la gravité du processus.

29 mars 2011

Souffrance au travail . Quand c'est fini ça recommence

      C'est reparti ! Récemment 2 suicides parmi le personnel d'une école de commerce :
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      On espère que les responsables ne vont pas parler d'un effet de mode ou de fragilité personnelle comme l'avait fait en son temps Didier Lombard PDG de France Télécom.
      Bien entendu, le mal être au travail reconnu n'a pas le même impact direct que les conséquences de l'avancée des mouvements démocratiques au Moyen Orient ou que celles du  tremblement de terre et du tsunami au Japon et pourtant il suffit de regarder les occupants des ascenseurs des immeubles de bureaux  et de les écouter pour comprendre que la journée de travail va être au mieux aussi mauvaise que celle d'hier sinon pire.
      Ce mal être fait de symptômes divers qu'on rassemble sous une terminologie banalisée et d'usage quotidien se nomme le stress. Cette banalité de langage  (tout est exagérément "stressant" et tout le monde est continuellement "stressé") ne réussit pas à masquer qu'entre 2000 et 2007 l'estimation du cout du "stress professionnel" est malgré tout  passé de 1,6 à 3 milliards d'euros.

      Ces évaluations mériteraient d'être précisées mais on pourrait sans doute y retrouver le manque à gagner en terme de journées de travail et concernant les dépenses en soins et maladies diverses qui incombent à la Sécurité Sociale...on y reviendra.
 
      Quelles ressources faut-il que les individus mobilisent  pour trouver  chaque jour assez d'énergie pour recommencer à affronter l'insurmontable, l'arbitraire, la disqualification, l'humiliation, les responsabilités croissantes, la demande de performance exacerbée, de créativité, l'exigence d'adaptation permanente sans que des compensations matérielles ou narcissiques ne puissent être attendues ?

      On ne parlera pas de ces travailleurs du nucléaire, salariés d'entreprises sous traitantes,  qui  sont soumis aux mêmes pressions mais  doivent en plus et avant tout, veiller à ne pas se faire tuer par leur travail et par des sur doses d'exposition aux radiations.
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      Notons que les pompiers  japonais qui arrosent en ce moment les cuves de confinement et les piscines de refroidissement altérées perçoivent la somme mirobolante de 15 € par jour comme prime de risque.Gageons qu'ils doivent avoir quand même les yeux fixés sur leur dosimètre !
      Pourquoi les organisations, et pas seulement celles dont la dangerosité est avérée, génèrent-elles ce climat délétère ?  En effet cette souffrance morale se rencontre probablement partout y compris  chez celles  que la vulgate identifie comme quasiment protégées et tranquilles: les services publics et les fonctionnaires.

      Dans un article récent  Christophe Dejours  ( le Monde 22/03/2011)  titre en pleine page  " Sortir de la souffrance au travail" avec en toile de fond la question de l'organisation du travail. C. Dejours longtemps, dans l'ombre est venu sur le devant de la scène critique ( avec Marie France Hirigoyen ) avec la fin de l'omerta concernant le ressenti au travail. Avec les passages à l'acte sur les lieux de travail d'un certain nombre de salariés,les langues se sont déliées et les organisations ont été interpellées. C'est pourquoi il conviendrait sans doute plutôt de titrer  " Sortir du système économique qui génère la souffrance au travail".

      Grossièrement, le régime du "marche ou crève" est maintenant dénoncé et la représentation du salarié comme un être laxiste irresponsable et profiteur, désimpliqué et démotivé à vécu.