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4 avril 2011

Souffrance au travail. Travailler sans les autres

Les pressions exercées sur les individus sont présentées comme inhérentes au contexte économique « incertain ,toujours en mouvement et en constante évolution »  » selon la terminologie convenue.  Bien entendu on constate des symptômes de plus en plus visibles et semble- t-il de moins en moins bien acceptés.  On lit au hasard des publications émanant de cabinets conseil ou de des organisations elles-mêmes, des préconisations ou des actions visant à articuler l’expression du mal être avec la performance « indispensable ». Tout se passe comme si, victimes du contexte économique et de la concurrence que par ailleurs elles défendent, les organisations n’avaient d’autres choix que ceux relatifs à la maximisation des profits par une demande de productivité sans cesse renouvelée.   
Cette pression s’adresse aux opérationnels qui voient leur existence professionnelle ramenée au calcul du profit qu’ils génèrent. On verra comment ce profit, bien nommé par P. Dardot et C.Laval , « le-plus- de-valeur » , échappe à ceux qui l’ont crée et en renforçant l’image que l’organisation se fait d’elle-même , invite les acteurs à une projection  à géométrie variable toujours fuyante et à une identification sans cesse repoussée.
Pour les entreprises marchandes, l’équation est simple il faut faire des bénéfices pour investir se développer et payer des dividendes et pour cela « faire travailler plus pour gagner plus ».
La logique est humainement détestable et génère les différentes pathologies déjà mentionnées car dans le même temps :
« On travaille pour soi comme on vit pour soi.
C'est ce que les sociologues du travail appellent « travailler sans les autres » (Danièle
Linhardt). Mais en raison de la grande porosité entre le travail et la vie personnelle, cette
logique pénètre toute la sphère de la vie : chacun est convié à « vivre sans autrui », selon
l'expression du psychanalyste Jean-Pierre Lebrun. Le sujet, réduit à un corps et à un moi, se
coupe des dimensions symboliques et sociales qui lui donnent un statut, une existence avec et
pour les autres. »  cliquer ici

A cet égard il est intéressant de noter le discours tenu dans les IUT à vocation commerciale. Des travaux de groupes sont proposés aux étudiants qui sont invités à considérer que ces procédés feront intimement partie de leur futur fonctionnement en entreprise et qu’ils travailleront majoritairement en groupe. C’est bien mal les préparer à leur futur.
 En effet nulle part, les salariés ne sont payés pas plus qu’ils ne sont évalués collectivement. C’est à peine si dans certain cas ils perçoivent un intéressement lié aux bénéfices qu’ils ont générés
En revanche des primes à la productivité sont distribuées aux responsables hiérarchiques, aux services de police, aux recteurs d’université ainsi qu’aux proviseurs des lycées en attendant que les enseignant eux-mêmes soient payés selon un type de productivité qui ne dit pas encore son nom 
cliquer ici

C’est une évidence de constater que le collectif de travail à disparu et que l’individualisme s’est renforcé alors même que les salariés n’ont plus que des relations fonctionnelles et ou les relations sociales sont implicitement prohibées.
Alors la pantomime peut se poursuivre. On va endosser des rôles, un discours, des occupations de l’espace. On va nouer des relations strictement professionnelles ou l’autre n’aura d’existence que par son statut fonctionnel.et par ailleurs on va cultiver le secret et la défiance de façon à se protéger des intrusions possibles et si possible s’afficher comme étant un serviteur dévot de la cause concurrentielle ; pondération, expertise, utilisation des circuits d’information, etc sont autant d’outils utilisés s’approcher au plus près des sphères dirigeantes  ou en tout cas du fantasme qui l’accompagne. Pour se faire il sera donc suggéré aux individus d’adopter des méthodes entrepreneuriales qui sont incontournables puisque mondialement adoptées
et sommés de se penser comme entrepreneurs d’eux-mêmes. »  ( Dardot Laval : La nouvelle raison du monde ed La Découverte) en utilisant les outils comptables  la mesure du temps,   les ratios de rentabilité etc
Bien des acteurs de l’organisation tentent en vain d’exporter leur statut à l’extérieur de l’organisation mais c’est peine perdue puisque les existences des uns et des autres ne se maintiennent que dans un consensus implicite à l’intérieur d’un microcosme aux frontières étanches. On pourrait toutefois trouver des parallèles dans la sphère privée ou chacun est invité dès son plus jeune âge de prendre en charge son avenir et à le gérer.
Là ou l’histoire prend un tournant surréaliste c’est lorsque la logique néolibérale touche les services publics qui se perçoivent dès lors comme des organisations nécessairement rentables …on y reviendra

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