Dans les manuels on professe que la structure de l'organisation est là pour faciliter le travail des acteurs . Ils n'ont pas à inventer des circuits d'information pour finaliser le travail puisque des services spécialisés sont présents et n'ont pas davantage à examiner toutes les solutions possibles à chaque fois qu'un problème se présente puisque la hiérarchie est là pour faciliter la prise de décision, pour valider des choix tout en endossant la responsabilité de la stratégie.
Dans les entreprises le paysage est tout autre. Comme signalé plus avant, le travail n'est désormais plus une entraide réciproque mais bien le terrain d'une désimplication généralisée et d'une tension permanente.
Face aux interrogations des opérateurs, les managers sont plus préoccupés de défendre leur position que de s'impliquer pour les résoudre. On assiste dans ces cas à un ballet extrêmement familier qui pourrait s'intituler : " Comment se débarrasser de la patate chaude"
Le premier mouvement de la hiérarchie est de trouver un bouc émissaire. Quoi de plus facile en cas de difficulté, que d'incriminer le subalterne. Si un obstacle surgit c'est obligatoirement de la responsabilité du collaborateur qui n'a pas su ( sous entendu par incompétence) trouver la solution. On imagine pas un seul instant qu'un manager puisse reconnaitre son incurie ou son incompétence et qu'une solution puisse être trouvée en commun. Puisque le travail est individualisé cette solution, pourtant économe en énergie, n'est jamais envisagée. Tout se passe comme si le collectif de travail n'existait plus et que par un effet magique les énergies individuelles pouvaient être automatiquement fédérées.
Pour que cela puisse se réaliser encore faudrait-il que dans l'organisation il existe une force qui exerce cette synthèse. Or bien entendu il n'en est rien. C'est à l'opérateur de vérifier que son action va bien s'inscrire dans un projet global et pour cela il doit intégrer toutes les données y compris celles qui ne sont pas communiquées ou manquantes.
Pourtant ce n'est pas faute d'en parler de cette fameuse action collective,de l'effort de tous pour réaliser des objectifs que chacun décrypte à sa façon à l'instar des catalogues des galeries d'art qui sont rédigés dans un sabir codifié que seule un poignée de spécialistes peuvent traduire. Une des façon pour un manager de conserve un soupçon de crédibilité c'est de produire à son tour des idées absconses qui ne sont que des artifices de son statut et qui sont censées lui conférer une certaine hauteur.
Encore une fois ces opérations n'ont en fait qu'un but, celui du maintient de la structure. A-t-on jamais vu un manager s'affronter réellement à sa propre hiérarchie, dénonçant son manque de courage et son incompétence ? En cela il se conforme à l'adage selon lequel on ne scie pas la branche sur laquelle on est assis et maintient une posture néo taylorienne entre ceux qui pensent et ceux qui exécutent le travail pensé.
Les managers prennent alors une certaine distance par rapport à l'opérationnel et à cet égard les outils technologiques de communication qui ont été détournée de leur fonction principale reposant sur la vitesse de propagation de l'information sont utilisés comme des archives. On ne communique plus seulement par mail pour échanger des informations mais aussi pour conserver une trace de ces communications pouvant servir de preuve. Plus on communique par mail et plus l'archivage des preuves se substitue à la communication sociale.
Dans les organisations on échange beaucoup sur les difficultés générées par la structure ce qui fait office de communication sociale, on s’ingénie à stocker les preuves ce qui fait office de protection contre l'arbitraire et on contourne les obstacle générés par l'organisation ce qui fait office d'intelligence. Au fond le salarié lambda tente de faire son travail et de mettre en œuvre ses compétences bien souvent malgré son organisation et ses managers.
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