Bienvenue sur ce blog dédié à la souffrance au travail, créé par Gérard Delmas. N'hésitez pas à laisser ou proposer vos commentaires, réactions ou réflexions.

12 décembre 2011

Souffrance au travail. L'évaluation 360°

Dans les entreprises c’est aussi la fin de l’année et c’est l’époque du règlement des comptes. Si ce n’a pas déjà été fait, la période des évaluations est l’occasion de solder l’année écoulée et de partir pour l’année suivante sur des bases plus saines. C’est l’occasion pour les salariés de faire acte de contrition et de reconnaitre leurs fautes, de mesurer leurs marges de progression et de se fixer des objectifs, bref de montrer leur implication et de réaffirmer leur allégeance. Cette mascarade, ce jeu de rôle, n’ont d’autres fonctions que de rassurer l’organisation et ses naïfs sur l’existence d’un contrôle efficace de l’activité en maintenant une pression constante.

La mise en place d’un entretien formel ou informel se veut être l’élément conclusif d’un processus d’analyse hautement élaboré et d’une fiabilité indiscutable. On a déjà évoqué les limites vite atteintes de ce type « d’outil » et le ridicule de sa prétention scientifique irréfutable mais il n’a pas été évoqué l’utilisation d’outils apparemment plus égalitaires (plus démocratique ?) comme celui présenté comme le parangon de l’évaluation totale, l’évaluation 360° processus dans lequel tout le monde évalue tout le monde.
Pour être plus précis voir :

ou encore

En résumé la technique consiste à s’auto évaluer, à être évaluer par ses collaborateurs, par son N+1 puis à croiser les résultats en insistant bien entendu sur les divergences. Le point important est la perfectibilité et l’objectif idéal pourrait se résumer à ce que tout le monde ne formule que des appréciations positives. Du coup, l’évaluation comme outil de pression perdrait immédiatement toute sa valeur et le meta projet de l’organisation ( rentabiliser, se dépasser, viser l’excellence et le bénéfice) disparaitrait .

Ainsi  BNP Paribas articule le PDI (plan de développement individuel) de ses cadres autour de cet outil. Son avantage réside dans l’apparente mobilisation de tous les acteurs pour une structure définie et dans le traitement (prétendument) scientifique des résultats. Cet outil d’évaluation a été concocté entre un cabinet de consultant et la direction du groupe. Les critères « discriminants » concernent 4 principes managériaux dénommés on ne sait pourquoi : Management Principles- MP. L’emploi de l’anglais outre son ridicule vise à accréditer la thèse de l’élaboration sérieuse puisque supposée être américaine.

Ces quatre grands principes :

Focus client
Entreprendre en pleine conscience des risques
Valoriser les personnes
Exemplarité

Qui se déclinent en 3 rubriques chacun et 3 ou 4 sous rubriques. La somme totale des critères a renseigner est d’environ 70.

Le 360° est une opportunité pour vous de prendre connaissance de votre impact et de votre positionnement sur les Management Principles (MP) tel que cela est perçu par votre entourage professionnel.

L’intention est louable mais les objectifs de l’exercice sont plus opaques et discutables

Le 360° va vous permettre de :
-      - Comprendre la perception de votre comportement par votre entourage professionnel
-      -  Apprécier les écarts entre cette perception et votre propre point de vue
-   - Construire et orienter votre plan de développement individuel sur la base de ce diagnostic

On peut alimenter la critique théorique autour des termes perception et diagnostic.

Un étudiant en 1er semestre de psychologie sait au moins qu’en matière de perception il existe depuis Platon une ambigüité. Pour résumer brièvement, il suffira de rappeler qu’en matière de perception, et toutes les études fondatrices convergent, quelques grandes constatations s’imposent :

-       On ne perçoit pas tous la même chose
-       Il arrive qu’on perçoive ce qui n’existe pas
-       Il arrive qu’on ne perçoive pas ce qui existe
-       On perçoit ce qu’on s’attend à percevoir

-       La perception est dépendante de la culture et du contexte

Ces évidences ne font pas reculer les décideurs et le cabinet conseil qui les a construites et qui traite les résultats.

La deuxième remarque porte sur le terme diagnostic. Ce terme renvoie à une explication des symptômes qui conduit à traitement adapté pour les résoudre.

On voit bien qui si les prémices sont vagues et sujettes à caution, le sens (diagnostic) qui pourra en être déduit sera lui-même entaché de quelques erreurs !

Un autre élément contestable de taille est celui de la mesure de l’écart type. Sans revenir sur cette mesure rappelons tout de même qu’il s’agit de visualiser la répartition des résultats par rapport à une moyenne.

Brièvement on peut dire que lorsque l’écart type est faible par rapport à un critère c’est que les évaluateurs sont globalement d’accord entre eux. Les enseignants disent que les notes distribuées sont alors peu discriminantes, les étudiants se retrouvant tous avec une note voisine de la moyenne.

L’emploi de l’écart type vise à accréditer en l’espèce une démarche scientifique fondée sur des éléments de perception discutables scientifiquement mais indiscutables lorsqu’ils convergent (faible écart type !)

On imagine aisément dans tous les cas que les N-1 vont majorer leurs appréciations (on ne sait jamais !)et que les N+1 vont les minorer (il faut garder en réserve une marge de progression pour les années suivantes)

En règle générale lorsqu’on risque sa progression professionnelle on voit bien l’inquiétude que peut représenter ce processus d’évaluation. On voit bien aussi comment des dirigeants peu clairvoyants et des cabinets de consultants peu scrupuleux se retrouvent et s’allient implicitement pour construire des outils d’une fiabilité plus que douteuse.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire