"J'assume mes responsabilités. C'est un échec pour moi. C'est un échec du directeur" . La direction de la Caisse d'Assurance Maladie de l’Hérault réagit au suicide d'un employé en démentant que cet acte avait eu pour cause une "mise au placard" .
Dans le même temps et sans doute dans un souci de transparence le reste des employés s'est vu interdire toute communication avec la presse. Gageons que pour contribuer à "assumer ses responsabilités" le directeur va préalablement tenter de se défausser et de minimiser la responsabilité de son management en évoquant l'état dépressif chronique de cet homme de 51 ans.
La même journée, un jeune cadre de la Poste, également dépressif sans doute, se suicidait également sur son lieu de travail. Les observateurs qui penseraient que les regroupement et autres restructurations qui sont de mise afin de réaliser des économies d'échelle au détriment des salariés ne seraient que de mauvaises langues.
Cette propension à mettre fin à ses jours sur son lieu de travail est un acte inquiétant et en tout cas ciblé. C'est un message adressé dans le désespoir et dans l'impasse à ceux qui sont considérés comme responsable et au-delà , à l'organisation démente qui à gommé l'effet structurant et intégrateur social du travail au bénéfice de la performance considérée comme la valeur supérieure.
Quelle va être la réponse de l'organisation ? Comme à l'accoutumée, elle va passer à coté d'une prise en charge efficace en développant un arsenal de dispositifs tous plus inefficaces et inappropriés les uns que les autres. Dans le tiercé gagnant on trouve en premier lieu :
- la cellule de soutien psychologique. Ce dispositif employé après des accidents graves , des catastrophes vise à palier les décompensations éventuelles débouchant le cas échéant sur des pathologies psychologiques. Dans le cas d'espèce, outre le caractère prophylactique évident, on peut imaginer qu'à cette occasion on va "relancer la machine du travail" et peut être permettre d'oublier le drame qui pourrait freiner l’énergie.
- le numéro vert. Comme le centre d'appel d'un SAV, les intéressés peuvent demander une aide individuelle en direction d'un professionnel de l'écoute censé les "regonfler"; On a déjà eu l'occasion de dénoncer l'absence de déontologie de ces professionnels et l'illusion dont ils se bercent de pouvoir amener les salariés à supporter ce que précisément certains d'entre eux n'ont pas réussi à endurer. Ce traitement de la souffrance vise sans le nommer , un renforcement des défenses et le retour à une adaptation sans cesse plus performante.
- les formations à la reconnaissance du mal être et du stress pour les managers. Comment reconnaître le malaise, comment le prendre en charge, quels sont les signaux précurseurs de la décompensation, etc. ? Les dispositifs de formation qui permettent de repérer les dysfonctionnements individuels font florès et se veulent tous plus efficaces les uns que les autres. Il y a certes des procédures qui permettent de repérer les individus fragilisés mais comme la mesure du stress n'a pas encore été inventée il suffirait de s'en tenir à une simple observation pour peu que celle ci ne s'adosse pas à une évaluation de la performance.
Ces trois propositions mériteraient d'être commentées d'avantage mais pour être simple disons qu'elles ne sont absolument pas de nature à modifier quoique ce soit aux motifs qui causent le désagrément puis la souffrance. Bien pire, ces propositions sont très exactement ce que les systémiciens appellent les changements de premier ordre qui ne changent rien au détriment d'un changement de deuxième ordre qui vise une modification en profondeur de logique et des règles d'un système considéré ( cf Watzlawick Une logique de la communication") On ne précisera jamais assez ce n'est pas le travail qui est en cause mais ses conditions d'exercice sous la houlette de rapports interpersonnels autoritaires dans un contexte généralisé d'exigences sans cesse renforcées.
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