La souffrance au travail se généralise au point qu'elle parait être partie intégrante du contexte professionnel et constituer ainsi le socle commun des salariés. Elle apparaît donc comme étant constitutive de la situation de travail et intégrée implicitement au descriptif du poste de travail.
Elle pourrait donc présenter un apparente stabilisation ou un acceptation tacite si les témoignages de souffrance ne se multipliaient pas.
Les services publics, les structures de services et les grandes entreprises constituent toujours le vivier des plaignants. Les salariés des plus petites structures ne disposant pas des réseaux de diffusion ou de relais suffisamment importants quoique plus silencieux sont également touchés.
Parallèlement les cabinets de consultants se proposant de faire de la prévention des risques psychosociaux et les descriptifs d'accompagnement concernant les démarches et recours législatifs se multiplient.
On l'a déjà dit ( voir articles précédents) la nouvelle norme néolibérale issue de la logique de marché touche tous les secteurs de la vie professionnelle en y introduisant la concurrence et la performance.
Pour mémoire, Margaret Thatcher en mai 1988 déclarait au Sunday Times " Economis are the methods. The object is to change the soul" (*) ....avec les résultats que l'on connait.
Créer par l'intériorisation de normes de pensée un nouveau rapport de l'individu, à l'économie, au marché et au travail, voilà le projet !
Cette idéologie, visant une action en profondeur et transformant les salariés en entrepreneurs d'eux mêmes les conduit de fait à maintenir leur niveau de performance, leur compétitivité pour maximiser leur potentiel et devenir toujours plus rentables.
Dans cette perspective, la lutte multiforme contre la souffrance au travail devient elle même un outil permettant d'augmenter la performance et la compétitivité individuelle en tentant d’atténuer ce que ces dispositifs normatifs produisent.
Ces situations paradoxales qui consistent à appliquer l'élément toxique ( l'injonction néolibérale) et le contre poisson ( les moyens d'en combattre les effets) relève pour le moins de l'incohérence et du cynisme. Il semble alors parfaitement évident qu'en restant en l’état, les situations, qui se déclinent sous forme de méthodes managériales, produisent finalement les mêmes effets nonobstant les différentes préconisations censées les combattre .
Ces dispositifs "experts" dans le traitement de la souffrance ont explicitement pour objectif de soutenir et soulager l'individu sans pour autant modifier le milieu de travail.
A cet égard le psychiatre Mathieu Bellhasem (**) note " ...le risque est de ne pas mettre en perspective le symptôme produit par le patient avec le contexte sociopolitique dans lequel il se trouve"
L'individualisation, la coupure d'avec le collectif et la dé-subjectivation produite par le cadre de travail et ses normes est au moins aussi importante que la façon dont la personne y réagit. M. Bellhasem ajoute au sujet des décompensations liées au travail " il est même plus important dans les premières consultations de penser la folie du travail que la façon dont la personne y réagit"
Traiter la souffrance au travail, le stress et le burn out en individualisant les problèmes et en mettant en avant des vulnérabilités individuelles par rapport au travail, fait l'économie dommageable d'un examen critique de l'intrication socio politique de l'individu et de son travail.
(*) Pierre Dardot-Christian Laval : La nouvelle raison du monde. Essai sur la société néolibérale, La découverte 2010
(**) Mathieu Bellhasem : La santé mentale. Vers un bonheur sous contrôle, La fabrique éditions 2014
Bienvenue sur ce blog dédié à la souffrance au travail, créé par Gérard Delmas. N'hésitez pas à laisser ou proposer vos commentaires, réactions ou réflexions.
21 juin 2014
8 avril 2014
...Des réunions inutiles et toxiques
Quand l'incompétence le dispute à l'autoritarisme et le dérisoire à l'absurde.
Imaginons des thèmes à peine moins surréalistes avec des participants un peu plus tendus par le désir de bien faire le travail et la crainte d'être disqualifiés le tout sur fond de discours abscons avec une novlangue de rigueur ....et l'on se rapproche de ça :
cliquer ici
Imaginons des thèmes à peine moins surréalistes avec des participants un peu plus tendus par le désir de bien faire le travail et la crainte d'être disqualifiés le tout sur fond de discours abscons avec une novlangue de rigueur ....et l'on se rapproche de ça :
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4 avril 2014
le harcèlement moral est rentable
Le harcèlement moral , une notion récurrente dont la dénonciation s'amplifie et qui finalement trouve son écho dans un marché qui se développe proportionnellement ?
La question n'est peut être pas aussi provocatrice qu'elle le parait lorsque l'on constate l'accroissement des stages de formation visant à prévenir les harcèlement et autres conflits, les solutions et recours juridiques largement diffusées et souvent inopérants, les cellules d'écoute et relais de soutien à consonance psychologique sans oublier les officines de coaching qui œuvrent en direction des équipes de travail ou des individus personnellement ou professionnellement impliqués.
On assiste donc à la mise en place souvent marchande d'une sorte de maillage de prise en charge de la sphère socio professionnelle, un néo Sos amitié étendu aux actifs et prétendant réparer les dégâts engendrés par le travail ou s'en prémunir.
C'est bien cette omniprésence de la notion de harcèlement moral et celle des réponses qui se veulent proportionnelles, adaptées et réparatrices qu' il convient de questionner.
Un groupe de travail constitué par l'université de Rouen et l'INSA pointait dès 2008 que "Souvent, les personnels verbalisent leurs difficultés relationnelles au travail sous la forme d’une plainte de harcèlement, or, il apparaît que ce terme est généralement inapproprié. Il semble donc plus judicieux de parler de conflits au travail" et Marie France Hirigoyen d'ajouter dans son ouvrage « Le harcèlement moral, démêler le vrai du faux », la nécessite d'exclure du champ de cette notion un certain nombre de conflits sociaux et personnels.
C'est ainsi qu'elle met en garde contre les confusions fréquentes entre
- stress (surcharge de travail, pressions liées aux objectifs à remplir…),
- difficultés relationnelles (tensions entre collègues, mauvaises relations avec un responsable hiérarchique...),
- critiques objectives portées sur le travail (problèmes de compétence, de motivation,
d'adéquation entre le profil et le poste…)
- et harcèlement moral.
Rappelons que les relations professionnelles sont essentiellement des rapports sociaux qui, devennant conflictuels, relèvent moins et à la marge de solutions individuelles de prise en charge que de traitements collectifs par la direction et les personnels concernés.
A cet égard il convient d’être vigilant concernant l'approche strictement psychologique des conflits exprimés qui peut avoir pour conséquence de masquer les effets de certains types d'organisation ou de management sur l'ensemble des individus.
Cette option est d'autant plus à contrôler que le monde de l'entreprise est convoité par le lobby des neurosciences qui parlant déjà des avancés supposées du neuromarketing et du neuromanagement aura tôt fait d'imaginer des procédures de recrutement voire de gestion des salariés fondées sur une approche strictement neuronale.
Le propos ne relève pas de la fiction puisqu'un un article récent et heureusement critique du "Quotidien du Médecin " mentionne qu'un chercheur italien propose de guérir les criminels par stimulation corticale Cliquer ici
...on peut espérer qu'un nouveau Dr Folamour n'aura pas le même projet en ce qui concerne le traitement du stress, des souffrances au travail ou du harcèlement moral.
La question n'est peut être pas aussi provocatrice qu'elle le parait lorsque l'on constate l'accroissement des stages de formation visant à prévenir les harcèlement et autres conflits, les solutions et recours juridiques largement diffusées et souvent inopérants, les cellules d'écoute et relais de soutien à consonance psychologique sans oublier les officines de coaching qui œuvrent en direction des équipes de travail ou des individus personnellement ou professionnellement impliqués.
On assiste donc à la mise en place souvent marchande d'une sorte de maillage de prise en charge de la sphère socio professionnelle, un néo Sos amitié étendu aux actifs et prétendant réparer les dégâts engendrés par le travail ou s'en prémunir.
C'est bien cette omniprésence de la notion de harcèlement moral et celle des réponses qui se veulent proportionnelles, adaptées et réparatrices qu' il convient de questionner.
Un groupe de travail constitué par l'université de Rouen et l'INSA pointait dès 2008 que "Souvent, les personnels verbalisent leurs difficultés relationnelles au travail sous la forme d’une plainte de harcèlement, or, il apparaît que ce terme est généralement inapproprié. Il semble donc plus judicieux de parler de conflits au travail" et Marie France Hirigoyen d'ajouter dans son ouvrage « Le harcèlement moral, démêler le vrai du faux », la nécessite d'exclure du champ de cette notion un certain nombre de conflits sociaux et personnels.
C'est ainsi qu'elle met en garde contre les confusions fréquentes entre
- stress (surcharge de travail, pressions liées aux objectifs à remplir…),
- difficultés relationnelles (tensions entre collègues, mauvaises relations avec un responsable hiérarchique...),
- critiques objectives portées sur le travail (problèmes de compétence, de motivation,
d'adéquation entre le profil et le poste…)
- et harcèlement moral.
Rappelons que les relations professionnelles sont essentiellement des rapports sociaux qui, devennant conflictuels, relèvent moins et à la marge de solutions individuelles de prise en charge que de traitements collectifs par la direction et les personnels concernés.
A cet égard il convient d’être vigilant concernant l'approche strictement psychologique des conflits exprimés qui peut avoir pour conséquence de masquer les effets de certains types d'organisation ou de management sur l'ensemble des individus.
Cette option est d'autant plus à contrôler que le monde de l'entreprise est convoité par le lobby des neurosciences qui parlant déjà des avancés supposées du neuromarketing et du neuromanagement aura tôt fait d'imaginer des procédures de recrutement voire de gestion des salariés fondées sur une approche strictement neuronale.
Le propos ne relève pas de la fiction puisqu'un un article récent et heureusement critique du "Quotidien du Médecin " mentionne qu'un chercheur italien propose de guérir les criminels par stimulation corticale Cliquer ici
...on peut espérer qu'un nouveau Dr Folamour n'aura pas le même projet en ce qui concerne le traitement du stress, des souffrances au travail ou du harcèlement moral.
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